Le présent essai porte sur les changements que le web social apportera dans mon milieu de travail, le Centre-Femmes La Jardilec. Il propose une réflexion de ce qui pourrait arriver dans les communications à La Jardilec et les liens qu’elle aura avec les réseaux sociaux, sur une période de 20 ans.
Le milieu
La Jardilec offre un lieu de rencontre, d’information, d’entraide, de réflexion et d’action aux femmes des régions de Montmagny et L’Islet en vue d’améliorer leurs conditions de vie, tant individuellement que collectivement. La mission du Centre et l’intervention féministe s’incarnent dans ces valeurs : avoir confiance dans le potentiel de chaque femme, soutenir les femmes dans leurs démarches d’autonomie, favoriser une prise de conscience des stéréotypes sexistes ainsi que des causes sociopolitiques des problèmes rencontrés individuellement, rechercher des solutions collectives aux problèmes des femmes, encourager la participation des femmes à la vie démocratique et sociale. Le financement de base est octroyé par le Programme de soutien aux organismes communautaires. Voyez la dernière programmation d’automne 2013.
Les structures de communication sont en général informelles. Le Centre ne tient aucun dossier sur les participantes, ni sur les interventions avec les femmes. La programmation est conçue trois fois par année, soit à l’automne, à l’hiver et au printemps. Celle-ci est envoyée par la poste à toutes les membres. Toutes les semaines, un communiqué est envoyé par courriel aux membres et aux journaux hebdomadaires de la région et tous les mois aux journaux mensuels communautaires de Montmagny-L’Islet.
Les structures de communication entre les centres de femmes de Chaudière-Appalaches sont plus formelles. Ils se rencontrent quatre fois par année et en dehors de ces rencontres, les communications se font par téléphone et par courriel. Les 102 centres de femmes du Québec membres du regroupement ont un congrès une fois l’an. Durant l’année, les communiqués se font par courriel via les centres du Québec.
Les membres
Le conseil d’administration est composé de 6 femmes élues lors de l’assemblée générale et d’une représentante des travailleuses. Les membres sont l’essence et le fondement même du Centre-Femmes. La Jardilec comptait en 2012-2013, 92 membres dont 75 % ont une adresse courriel. Les autres n’ont probablement pas d’ordinateurs à la maison. La moyenne d’âge des membres est de 55 ans et 78 % des membres ont un revenu de moins de 20 000 $. 63 % d’entre elles n’ont pas dépassé l’école secondaire.
Les travailleuses
Les cinq travailleuses (une coordonnatrice, une adjointe administrative et trois intervenantes) sont présentes cinq jours par semaine pour faire fonctionner le Centre-Femmes, organiser la programmation annuelle, monter des projets, faire vivre des idées… Découvrez le Centre La Jardilec avec son rapport d’activité 2012-13.
Jusqu’en décembre 2012, 5 travailleuses étaient âgées de plus de 45 ans et elles étaient au service du Centre depuis plus de 6 ans. Entre décembre 2012 et septembre 2013, il y a eu au sein de l’équipe une grande rotation du personnel (voir tableau 1) . Aujourd’hui, une intervenante est à l’emploi depuis 2 ans, l’adjointe administrative depuis 1 an, la coordonnatrice depuis 6 mois et 2 intervenantes sont arrivées en septembre 2013.
Jusqu’en décembre 2012 | Depuis septembre 2013 |
Coordonnatrice : 50 ans | Coordonnatrice : 54 ans |
Adjointe administrative : 50 | Adjointe administrative : 58 |
Intervenante : 58 | Intervenante : 30 |
Intervenante : 59 | Intervenante : 25 |
Intervenante : 45 | Intervenante : 46 |
Moyenne d’âge : 52,4 | Moyenne d’âge : 42,6 |
Moyenne d’âge des intervenantes : 54 | Moyenne d’âge des intervenantes : 34 |
Tableau 1 : Âges des travailleuses
En moins d’un an, l’âge des travailleuses a baissé de 10 ans et celles des intervenantes de 20 ans. D’après moi, la structure des communications vient de prendre un tournant. En effet, les intervenantes d’avant n’étaient pas des adeptes des réseaux sociaux. Aucune d’elle n’était fonctionnelle en informatique. Elles avaient toutes été formées avant l’ « ère des communications ».
En ce qui concerne les coordonnatrices, celle d’avant et celle d’aujourd’hui, rien n’a vraiment changé. La nouvelle coordonnatrice dit venir du temps des « dinosaures » lorsqu’on lui parle d’informatique. Lors de son embauche, le conseil d’administration lui a fait la recommandation d’approfondir ses notions en informatique.
Les participantes
Les participantes viennent soit chercher de l’aide ou de l’accompagnement au besoin, soit rencontrer d’autres femmes lors d’activités, et ce généralement pour briser l’isolement. Les rencontres individuelles représentent environ 10 % du temps et les rencontres de groupe, 90 %. Les besoins des femmes sont vraiment centrés sur les rencontres de groupes pour toutes sortes d’activités : les cuisines collectives, participations à des comités en lien avec la pauvreté, la violence, la santé mentale et physique, et l’engagement politique.
La pyramide des besoins de Maslow (voir figure 1) explique bien comment les femmes doivent d’abord satisfaire les besoins primaires, physiologiques et de sécurité, avant de sentir le besoin d’aller sur les réseaux sociaux (besoin d’appartenance). Elles ne s’y rendront jamais tant qu’elles n’auront pas satisfait les premiers besoins. Il est intéressant de remarquer que le besoin d’appartenance apparaît en 3e place. Je reviendrai sur le besoin d’appartenance dans la section « Vers 2018 »
Figure 1 Pyramide des besoins de Maslow
Les tendances
Il fut un temps où elles ne laissaient pas leur adresse de peur de recevoir des courriels indésirables. De plus en plus de femmes nous donnent leur adresse courriel. Souvent, les internautes nous avisent que notre site Internet n’est pas à jour. C’est vrai et c’est gênant. La mise à jour est donnée à forfait à une personne à l’extérieur du centre et son application à mettre le site à jour laisse beaucoup à désirer. C’est la raison pour laquelle l’auteure de ces lignes a suivi le cours INF6107. Je sens qu’un début de révolution est en marche. C’est devenu une priorité de maintenir le site Internet du Centre-Femmes La Jardilec à jour. En date du 7 septembre 2013, la dernière mise à jour est du 5 juin 2013. C’est non crédible pour un site web. En tant qu’adjointe administrative, j’aimerais ajouter au moins une page au site web au moins toutes les semaines.
Les forces et volontés
Le conseil d’administration ainsi que la coordination reconnaissent qu’il y a du travail à faire et que nous n’avons plus le choix : il faut s’intégrer aux réseaux sociaux. Le site web a été créé vers juin 2010. Mais aucun compte Facebook, Twitter n’est ouvert. C’est la prochaine étape.
Même si la coordination reconnaît qu’il faut se joindre aux réseaux sociaux, on sent une réticence de sa part, à consacrer le temps et l’effort nécessaires pour « prendre l’autoroute de l’informatique » et « sortir du bas-côté ».
Vers 2014
Une des priorités d’action qui revient régulièrement au Centre est de rejoindre les jeunes femmes de la région. Les réseaux sociaux sont sûrement une belle porte d’entrée vers les jeunes femmes. D’ici un an, le Centre-Femmes La Jardilec aura un compte Facebook, un Twitter et au moins un blogue. La page Web sera mise à jour régulièrement.
De plus en plus de femmes fréquentant le Centre auront un téléphone intelligent ou une tablette. Les réseaux sociaux et Facebook sont un moyen peu coûteux pour le Centre pour rejoindre plus de femmes de la région. Il faut absolument qu’on y soit. Selon EMarketer, 51 % de tous les utilisateurs français d’Internet visite Facebook au moins une fois par mois. Il faut commencer par créer une page d’entrepreneur Facebook. Il faut connaître ses buts. Est-ce qu’on veut augmenter les personnes qui visitent notre site, est-ce qu’on veut attirer plus de membres, plus de participantes à nos activités, plus de femmes qui participent à notre blogue? Il faut avoir un plan et décider laquelle des cinq travailleuses fera quelle partie. C’est une chance pour nous de montrer ce qu’on est capable de faire.
Vers 2018
Dans 5 ans, toutes les travailleuses du Centre auront un compte Twitter et Facebook. Quelques interventions se feront par la voie des réseaux sociaux. Les femmes nous contacteront et parleront de leur situation sans gêne via les réseaux sociaux. Les trois intervenantes seront habilitées à répondre aux courriels comme aux blogues.
Faire partie de La Jardilec donne un sentiment d’appartenance, une fierté, aux membres et aux participantes. En augmentant les liens avec les réseaux sociaux, les travailleuses augmenteront le sentiment d’appartenance des participantes. On sait que la reconnaissance des ressemblances est une base forte de la vie sociale. En se faisant accepter dans cette communauté, les membres et participantes ressentent un sentiment d’acceptation. La femme pauvre, violentée, ou isolée a bien besoin de ce sentiment.
Le blogue est de plus en plus populaire. Une fois que vous avez payé l’ordinateur, que vous payez les frais mensuels d’abonnement à Internet, les blogues sont gratuits. Les blogues existent et Madame Tout-le-monde peut s’exprimer. On sait depuis longtemps qu’écrire permet souvent de régler un problème ; c’est thérapeutique. Pourquoi ne pas se servir d’un blogue pour évoluer et se développer ? Les intervenantes pourront répondre et qui sait, plusieurs femmes se joindront à la discussion.
Comme le mentionne le module 3 du cours, le blogue continuera d’être un des véhicules les plus influents dans l’évolution du web social et j’ajoute dans l’évolution de la société. La liberté de parole y est présente. La blogueuse crée la réalité. En relatant un évènement, elle lui donne un sens. Elle raconte son côté de la médaille.
Dans sa page Du web 1.0 au web 4.0, du 1er février 2012, Christiane Waterschoot explique très bien comment elle voit l’évolution du web. Selon elle, il est plus que temps d’intégrer la notion de web 2.0. Les web 3.0 et 4.0 ne tarderont pas à venir. Sans contredit, l’évolution de la technologie a grandement modifié les pratiques sociales. Le web traditionnel, le web 1.0, est statique. La Jardilec est encore au stade web 1.0 ; elle ne fait que donner de l’information. Elle ne sollicite pas les utilisateurs.
Le web 2.0, le web social, permet le partage et l’échange d’informations et de contenus. Les réseaux sociaux et les blogues émergent. Le web sera plus dynamique et prendra le pouls des participantes. Il y aura une socialisation virtuelle. Tout cela dans les 5 prochaines années. C’est fini le temps où toute la famille se réunit pour regarder la télévision (c’est déjà le cas dans bien des familles). Tous veulent participer et c’est avec le web qu’on y parvient.
Je vois même la possibilité qu’une sixième travailleuse soit embauchée. Elle sera la responsable des communications. Elle mettra le site web à jour, répondra aux courriels et alimentera le blogue de La Jardilec.
D’ici 5 ans, au train ou vont les coupures, on peut s’imaginer un scénario où les subventions seront coupées complètement. Les Centres de Femmes subsisteront grâce à la générosité des donneurs, tel Centraide. Ces coupures majeures auront un impact sur les participantes et la vie des femmes en général. La Jardilec pourrait devoir fonctionner avec une seule travailleuse. Et c’est par les réseaux sociaux qu’elle parviendra à rejoindre le plus de femmes possible.
Vers 2033
D’ici 2033, La Jardilec devra créer des liens par les réseaux sociaux pour avoir des membres. Le monde virtuel est là pour rester. En 2033, les 5 ou 6 travailleuses ont leur propre blogue. Elles répondent à leur blogue et font aussi la lecture d’autres blogueurs. Elles ont sur leur blogue une liste des sites régulièrement lus, un blogroll. Le blogue est devenu un outil de travail, un outil pour diffuser ses idées, pour développer sa profession.
Les listes de courriel, les groupes de discussion, les forums sont maintenant usuels dans la communication des années 2030. C’est certain que la communication orale, face à face, a toujours sa place. Sur ce grand territoire des MRC de Montmagny et de L’Islet, l’écriture du blogue permet de rejoindre les femmes démunies ou moins scolarisées. Plusieurs groupes se forment sur le web social. Les femmes brisent l’isolement en s’inscrivant sur des pages personnelles, elles se regroupent autour de blogues. Elles écrivent, commentent ou simplement lisent.
La majorité des femmes transmettent leurs photos personnelles sur Flickr qu’elles partagent avec seulement les membres de leur groupe. Certaines femmes vont sur un site de rencontre pour y trouver des ami(e)s, ou rencontrent des personnes qui partagent le même intérêt qu’elles. Elles se créent un groupe local ou international.
Stéphane Guerry propose un billet très intéressant dans son blogue Mediapedia qui transpose la pyramide de Maslow dans l’univers numérique.
Figure 2 Pyramide des besoins de Maslow 2.0
Selon Guerry « Nous évoluons vers une pratique de plus en plus participative du web au fur et à mesure que notre maturité de l’usage du web grandit ». Après avoir satisfait les besoins de base, chercher des informations se créer un courriel (phase 1), on recherche la protection (phase 2) contre les virus, ou contre les sites non convenables. Puis on cherche l’amour, on chat, on participe aux messageries (phase 3). On peut donc à ce moment satisfaire son besoin d’estime et on réussit à bloguer (phase 4). L’accomplissement (phase 5) vient ensuite avec la participation aux œuvres collectives telles que les wikis.
Dans les années 2030, La Jardilec et ses membres auront satisfait les couches de besoins inférieurs : physiologiques, de sécurité et d’appartenance. Elles pourront répondre aux besoins d’estime des autres, d’estime de soi et d’accomplissement personnel, une des missions du Centre.
Les réseaux sociaux peuvent améliorer la manière dont les femmes se mettent en contact avec le Centre-Femmes La Jardilec et la manière dont les intervenantes rejoignent les femmes. Si je regarde tout ce qui a été inventé ces 20 dernières années, il est impossible d’imaginer tout ce que les êtres humains inventeront dans les 20 prochaines années. L’inconnu reste à vivre…
Le web 3.0, le web sémantique, organise en fonction des besoins de chaque utilisateur, en tenant compte de ses préférences. Il fera de plus en plus le lien entre le monde réel et le monde virtuel. Le web 4.0, le web intelligent, contient de nombreuses possibilités. On parle d’intelligence collective. L’objectif sera orienté vers l’interaction entre les individus! L’utilisateur sera cré-acteur. Combien de femmes vont s’y hasarder ?
Selon le billet de O’Reilly, School of Technology, il faudra que le web soit simple et souple. De plus, le service Internet doit être bon marché, avoir des forfaits illimités abordables et ne pas être payé à la minute ! Les téléphones intelligents seront la norme lorsqu’ils offriront un bon rapport qualité/prix. Il est aussi mentionné que l’accès à l’information doit être intuitif ; des ergonomies améliorées, des moteurs de recherche plus pertinents, des navigateurs plus efficaces. En 2033, les jeunes femmes d’aujourd’hui auront 50 ans. Elles sont nées avec le numérique. Plus personne ne passera des heures devant la télévision. Ce sera sur le web que les femmes feront de nouvelles connaissances….
Et selon moi, le web doit atteindre TOUTES les femmes et il DOIT être à la portée de toutes. Il y aura encore beaucoup de femmes vivant la pauvreté ou le rejet et elles n’auront pas accès à un ordinateur. Même les bibliothèques avec leur service Internet gratuit n’atteindront pas TOUTES les femmes.
Je crois que même dans 20 ans, il y aura encore, comme mentionné dans le module 8 du cours, ceux « qui utilisent cette autoroute de l’information » et ceux « qui restent sur le bas-côté ». Les nouvelles travailleuses seront de plus en plus formées avec les nouvelles technologies et elles agiront de concert avec Internet et les réseaux sociaux ; elles sont nées en même temps. Elles savent qu’Internet est un outil permettant d’élargir les connaissances. Les intervenantes compteront beaucoup plus sur Internet pour les aider dans leur travail. Elles pourront aller facilement à la recherche de connaissances ou d’appui professionnel par leur réseau social. L’ « agenda setting » influence les travailleuses. Elles se serviront des wikis, des forums en ligne, etc. On pourra même parler d’une collaboration en ligne.
C’est certain qu’on peut inventer toutes sortes de scénarios pour les années 2030, comme celui-ci: En 2033, plus personne n’ose sortir dehors. On a peur d’un virus, de la pollution ou des bombes. Tout le monde habite sa maison bunker. Il n’existe plus aucune relation entre les voisins, la famille, les amis, sauf bien sûr, les relations qu’on a pu établir par les réseaux sociaux. Toutes les femmes sont « connectées ».
Comme le dit si bien Alan Kay « On ne peut prédire l’avenir, mais on peut l’inventer ». Les jeunes d’aujourd’hui sont déjà habitués à socialiser par Internet. La société de l’information future touchera de plus en plus les organismes communautaires tels les centres de femmes. Je vois déjà dans mon travail une nette différence entre ce que je vivais l’année dernière et ce que je vis aujourd’hui. Qui sait ce que sera un centre-femmes de l’avenir ! Selon les propos de Michael Wesch, il faudra réinventer plusieurs choses dont les droits d’auteurs, l’identité, la morale, le commerce, l’amour, la famille et nous-mêmes ! Je fais confiance aux « geeks » de ce monde et aux technocrates de l’avenir pour cela. Le titre du document » Pouvoir… ensemble » réalisé par La Jardilec me semble bien choisi.
Le document « Pouvoir… ensemble«